Histoire du trauma et perspectives cliniques d’aujourd’hui 

Les états post-traumatiques consécutifs aux guerres et aux catastrophes sont connus depuis l’Antiquité. Néanmoins, il a fallu attendre les guerres napoléoniennes et surtout la 1ère guerre mondiale pour que ces symptômes commencent à intéresser les médecins et les psychologues. Au début du 20ème siècle, on voit apparaître des catégories diagnostiques décrivant les troubles observés chez les soldats ou plus généralement chez les personnes victimes d’un événement traumatique. Ces catégories diagnostiques vont évoluer et donner lieu à ce qu’on appelle aujourd’hui le « Trouble de Stress Post Traumatique » (TPSP) (DSM 5, American Psychiatric Association, 2013).
Les connaissances sur l’étiopathogénie et le traitement des traumatismes psychiques n’ont cessé d’augmenter ces trente dernières années. On assiste à la fois à une explosion de la recherche scientifique mais aussi le développement d’une multitude d’approches thérapeutiques, principalement soutenues par des instituts privés. Ces résultats de recherches et les propositions cliniques qui en découlent viennent apporter un éclairage essentiel sur nos pratiques cliniques et deviennent à elles seules un champ thérapeutique à part entière.
Raphaël Gazon discutera des limitations du diagnostic de TPSP tel qu’il est défini dans le DSM 5 en élargissant la notion d’ « événement traumatisant ». Il distinguera notamment les notions de trauma simple, trauma complexe, trauma développemental et les liens avec les troubles dissociatifs. Il présentera également les éléments les plus importants pour bien comprendre les mécanismes et facteurs en jeu dans le trauma et il fera le point sur les différentes techniques thérapeutiques existantes.

Au cours d'une discussion à l'allure informelle, l'équipe de Kaleidos reprendra différents cas de figures dans lesquels la question du trauma s'invite dans la pratique clinique : 
- lorsque les conséquences du trauma de l'enfant se transforment en problème 
- lorsque le parent (re)vit un traumatisme lors du dévoilement de son enfant
- lorsqu'un parent aux prises avec son trauma d'enfant se trouve empêché dans sa parentalité

Les victimes ont été confrontées au danger, elles ont été abusées ou violentées par des individus mal intentionnés ou malveillants. Les aidants, éducateurs, infirmiers, psys, etc., par leur comportement, doivent être prédictibles et créer un environnement dans lequel la sécurité, la justice et la morale sont restituées. Quelle que soit la gravité des événements vécus, il est essentiel de ne jamais condamner une victime à l’éternité du traumatisme. Les thérapies actuelles aident de nombreux adultes victimisés dans l’enfance à retrouver une vie heureuse. Evelyne Josse présentera la technique des scénarios réparateurs. Des extraits d’une séance de thérapie menée avec une femme victime d’inceste viendront illustrer sa pratique. La technique des scénarios réparateurs a l’avantage de s’intégrer aisément aux outils des thérapeutes issus de différents courants théoriques (EMDR, hypnose, etc.). La théorie de la reconsolidation de la mémoire apporte un éclairage intéressant pour comprendre l’efficacité du processus.

La psychologie de crise reste dans l’angle mort des services d’éducation, de santé et de soins. Lorsqu’un événement critique survient, les médias sont les premiers à mentionner « l’intervention de psys sur place ». De quelle intervention parle-t-on ? Accidents, agressions, violences catastrophes placent les professionnels dans l’impuissance de l’aide immédiate à la quelle ils n’ont été que peu ou pas préparés. Or la crise crée des ruptures, de la désunion. L’enjeu est donc de taille pour que les équipes et les institutions limitent au maximum l’état de choc et leur permettent d’être disponibles et de rester en lien.

« Le traumatisme est contagieux » disait Judith Herman en 1992. Nous, professionnels qui travaillons avec des enfants victimes de traumatismes et de négligence ou avec des adultes qui ont été de tels enfants, nous faisons face à la brutalité du monde. Nous sommes sensés accueillir les récits, les dessins ou les mises en actes de ces enfants ou de ces anciens enfants. Parfois nous ressentons les horreurs avant qu’elles ne puissent être mises en mots par la personne qui les a vécues. Parfois nous avons envie de fuir, de hurler, de vomir, de frapper l’agresseur. Et souvent notre vision du monde et de l’être humain change.
Dans cette présentation nous porterons notre regard sur la manière dont notre travail avec des personnes traumatisées nous blesse et nous change, comment il peut nous ramener à nous-mêmes et à nos propres traumatismes, et comment nous pouvons grandir malgré tout.

Les traumas « visibles » subis par des enfants suscitent très vite des émois même si  la capacité d’en évaluer les dommages et les conséquences ne fait pas encore partie des prises en charge au quotidien.
Qu’en est-il cependant des traumas « invisibles », des traumas  « en creux »,  comme les carences et les négligences relationnelles précoces ?
Celles-ci  sont trop souvent oubliées, banalisées ou peut-être même invisiblisées  par la culture ambiante.

Pour que l’enfant puisse transformer psychiquement le trauma en traumatisme, la capacité  de représentation est nécessaire. Le corps, par son expressivité motrice, reste un atout majeur dans ce processus de guérison.

Cette intervention vous invite à la découverte d’un projet d’expression dont les vertus  n’ont pu se développer que parce que deux institutions cherchaient ensemble le mieux-être des jeunes. D’une part, l’école secondaire spécialisée de Clairval qui accueille des jeunes de formes 1, 2 et 3, et propose une pédagogie centrée sur le projet personnel et adapté de chaque jeune, défendant le droit à l’éducation, et respectant le rythme de chacun.  D’autre part, le Centre d’Expression et de Créativité « L’Atelier », qui manie avant tout les arts plastiques pour révéler chacun et les groupes. Quatre artistes professionnels y prestent des temps partiels pour partager leurs pratiques.

Dans le cadre d’un projet d’école en lien avec la citoyenneté, les professeurs d’arts plastiques ont fait appel à des artistes extérieurs pour explorer ensemble ce qui fait l’identité, en soi, et en relation avec les autres, tout près et plus loin. Pour la partie artistique du projet, ont été envisagées la gravure et le textile monumental.
Le cadre posé a permis avant tout de garantir et de travailler la liberté d’expression.
Pour le reste, le processus était exploratoire, en réaction à ce qui se passait en classe, à ce que les artistes et professeurs percevaient du rythme et des canaux possibles d’expression.
Un travail « miroir » sur des poupées en tissu pour certains jeunes, et sur des totems pour d’autres, a très rapidement révélé parcours, traumas et résiliences.
Le travail plus collectif d’une grande toile, et des mouvements et sons qu’il induit, a joué ensuite avec l’idée d’un monde de relations, de distances et d’interdépendance, d’adaptation, de manifestation.
Plus récemment, le travail du mouvement s’est accentué, pour une scénographie vivante.

Dans le travail autour du trauma,  la thérapie contextuelle offre des pistes de réflexions qui peuvent être utiles à tous les intervenants qu’il s’agisse de thérapeutes ou d’intervenant sociaux.  D’une part, elle propose un modèle multidimensionnel qui permet de mieux repenser l’articulation entre les interventions individuelles et les interventions familiales ou sociales. Elle permet surtout de mieux comprendre l’impact des loyautés familiales sur la prise en charge des enfants victimes de trauma intrafamiliaux et aussi de mieux comprendre l’impact multigénérationnel des traumas qu’ils soient d’origine intrafamiliale ou non à travers les notions de légitimité destructive et de parentification.

 « Les morts sont les invisibles. Ils ne sont pas les absents. » Cette phrase de Victor Hugo témoigne avec force de la présence du passé dans nos vies. Cette présence est multiple. Selon les lieux et les interlocuteurs, le passé guide ou pèse. Partout, il continue de compter. Dans les situations d’après-guerre, il laisse des blessures non seulement ouvertes, mais aussi purulentes. Qu’il s’agisse de conflits internationaux ou intercommunautaires, tous les cas le démontrent : après une guerre, on ne compte pas en années, mais en générations. C’est bien de génération en génération que se transmettent non seulement des narrations, mais aussi des émotions : ressentiment quand le passé humilie, peur quand il opprime, honte quand il accuse, haine quand il mutile, culpabilité quand il plombe. La force de ces émotions révèle les ravages causés par l’irréparable. La violence perpétrée contre les corps ressemble aux flammes qui saccagent une forêt asséchée. Elle provoque une série infinie de feux qu’il s’agit d’éteindre un par un. Sous cet angle, la réponse aux traumatismes liés à la guerre est, de manière ultime, individuelle. Il importe toutefois de s’interroger sur la notion de « traumatisme collectif ». Que recouvre-t-elle ? Qu’implique-t-elle ? C’est pour répondre à ces questions que l’exposé se concentre sur les mécanismes mis en place sur le plan politique – et non plus seulement intime - pour tenter de vivre avec le souvenir, plutôt que contre lui.